Terr(e)rratique

2023
- revue Chabe! n2

Série publiée dans la nouvelle revue photo lyonnaise Chabe! n°2, sortie de 24 novembre 2023.

« Selon une étude internationale menée pour la revue Science, jusqu’à 83% des glaciers auront fondu en 2100, disparaissant ainsi jusqu’à la prochaine ère glaciaire. Le travail pictural d’artistes comme Fanny Vandecandelaere pourrait permettre de garder une trace de ces géants de glace pour les générations futures.

Fanny photographie les glaciers – et les traces qu’ils ont laissées jusque dans nos villes – depuis 2015. « J’ai l’impression que la valeur des glaciers est tellement grande, tellement inestimable, que j’ai peut-être du mal à accepter qu’ils vont disparaître. Du coup, j’ai besoin de les photographier. » Venue du centre de la France, elle rencontre la montagne durant la réalisation de son projet de fin d’études. Elle découvre alors « la montagne intime et préservée, d’une beauté naturelle enivrante. C’était un choc esthétique ! Elle m’impressionnait. J’ai passé des heures à la regarder et à la filmer. » Préservée… en apparence seulement. 

Avec la situation climatique actuelle, les massifs montagneux du monde entier voient leurs glaciers disparaître. Des spécialistes suisses ont présenté un rapport à l’assemblée générale de l’Union européenne des géosciences, montrant que, si rien ne change, 90% des glaciers du massif alpin auront fondu d’ici à la fin du siècle. Bien que la cause climatique soit importante pour la photographe, Fanny Vandecandelaere cherche, à travers ses clichés, à montrer la superbe des glaciers davantage que les dégâts que cause l’anthropocène. Malgré tout, la photographe espère que son travail joue un rôle de sensibilisation. >>>

 

Quand elle n’arpente pas les glaciers, l’artiste redescend vers la ville pour photographier les traces qu’ils ont laissées au sein même de nos environnements, les « blocs erratiques ». Ces gros rochers, transportés par un glacier parfois sur plusieurs centaines de kilomètres, et qui restent sur place une fois que le glacier se retire. À Lyon, le plus connu est le Gros Caillou, un bloc de 24 tonnes déplacé sur 175 kilomètres durant la glaciation de Riss, voici 140.000 ans. Il faudra attendre 1861 pour que ce rocher soit découvert, durant la construction de l’ancien funiculaire reliant la Presqu’île à la Croix-Rousse. En creusant, les ouvriers de l’époque butèrent sur un rocher extrêmement solide. Presque deux siècles plus tard, le Gros Caillou est devenu un symbole de la Croix-Rousse. « C’est grâce à des découvertes de ce type qu’on a pu mettre au point la théorie glaciaire au 19e siècle », précise Fanny. Une théorie développée de manière scientifique par Jean de Charpentier, un géologue germano-suisse spécialisé dans les glaciers, en 1841.

Cela a permis de comprendre d’où venaient les blocs erratiques, et d’en savoir plus sur notre environnement et notre histoire. Le Gros Caillou est toutefois loin d’être le seul bloc erratique de la légion lyonnaise. Fanny Vandecandelaere en a photographié un grand nombre, qu’on peut retrouver dans son projet. Et si, au départ, l’artiste ciblait principalement la montagne et plus spécifiquement les glaciers, sa démarche a évolué au fil du temps : « Au gré de mes déplacements, j’ai commencé à déceler la figure de la montagne là où on ne l’attendait pas. J’aime transformer un paysage en vecteur d’imaginaire. Mon esprit voyage et des récits poétiques s’imposent alors au regard. »

Théophile Eliot

Sortie du Chabe! n°2

fanny vandecandelaere
photographe . vidéaste